Récemment un coaché me décrit une situation très difficile, il parle de
façon mécanique un peu comme un chirurgien dictant le compte rendu de son
opération à un dictaphone.
Après un long monologue, un silence s’installe, je lui demande alors :
« Que ressentez-vous en me racontant cela ?»
Réponse : « je ne comprends pas la question ? » –
silence- « là, en ce moment, …rien … je n’ai pas pour habitude de
m’écouter »
Une légère tension s’installe.
Je relance : « Ah bon, mais pourquoi donc ? »
De nouveau le silence, son visage se crispe légèrement et puis il
s’anime : « mon père m’a toujours dit : « apprend à te
débrouiller seul, la vie sourit aux courageux, ne montre pas tes sentiments,
ils révèlent tes faiblesses. Sois fort ! »
« Sois fort » voilà un des « driver » bien connu des
praticiens de l’analyse transactionnelle. (Il y en a d’autres « sois parfait »,
« fais des efforts », « dépêche-toi », « fais plaisir ») Ces messages
intériorisés dans l’enfance nous amènent sous stress à agir mécaniquement.
L’idée du coaching n’est pas de lutter contre ces « programmes ». Ils
peuvent nous être très utiles. Dans notre exemple, le driver permettait au
client d’être considéré comme un dirigeant solide avec une capacité de travail
exceptionnelle, à l’aise dans les situations de crise, capable de trouver des
solutions sans céder à la panique.
Mais parallèlement, la petite musique : « mes émotions me fragilisent,
elles doivent disparaître pour laisser la place à la pensée rationnelle »,
« Je dois contrôler la situation et assumer faire face et … il est hors de
question qu’on me marche sur les pieds ! » était devenue inefficace
et douloureuse dans un contexte de grande incertitude liée au Covid et aussi de
grande violence managériale. Coupé de ses émotions, avec un classement binaire
avec d’un côté les forts et de l’autre les faibles, mon client touchait la
limite de son programme comportemental.
Ce dirigeant exigeant avec lui-même l’était avec les autres et… les autres…
commençaient à lui tourner le dos.
En toute sécurité dans la relation de coaching nous avons questionné ses
croyances sur les émotions, en regardant le bon côté et aussi le moins bon côté
de ses croyances, puis il a été très étonné d’explorer avec plaisir des
sentiers émotionnels alternatifs.
Quel soulagement pour lui et les autres ! quand il a pris conscience
qu’il pouvait se donner la permission de prendre en compte ses émotions et
surtout repérer les besoins qu’elles lui révélaient !
Son « sois fort » avait rencontré son « je suis
vulnérable » et sans le vouloir, il est reparti plus fort et plus connecté
avec les autres !
J’observe dans ma pratique de coach que le driver « sois fort »
est fréquent chez les dirigeants, je le rencontre aussi dans des secteurs où
l’émotion n’est pas toujours facile à exprimer : chez les commerciaux, dans le
secteur médical, les services sociaux, dans les équipes d’ingénieurs…
Et vous? Avez-vous déjà rencontré des « sois fort » ?
Intéressant !